Selon l’ONU, le nombre de filles et de femmes ayant subi les Mutilations Génitales Féminines (MGF) est estimé à 200 millions dans le monde. Principalement concentrées dans trente pays d'Afrique et du Moyen-Orient, les MGF sont également pratiqués dans certains pays d'Asie et d'Amérique Latine. A cause des migrations, des cas sont aussi enregistrés en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Sr. Betty Côrte Imperial, SMC
Les mutilations génitales féminines sont les interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme sans aucune raison médicale. Elles sont considérées, au niveau international, comme une violation des droits des femmes et des filles, notamment de leurs droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, ainsi qu’à leur droit à la vie lorsque ces pratiques ont des conséquences mortelles.
Les MGF se font sur des filles de plus en plus jeunes, peu importe leur classe sociale ou leur confession religieuse. Selon les chercheurs ivoiriens Douala Roméo et Nguemo Ngueabou Joël, qui ont étudié ce phénomène, les filles musulmanes sont plus exposées aux mutilations que les chrétiennes. C’est un rituel traditionnel présent dans plusieurs cultures; c’est aussi un moyen pour les hommes de contrôler les corps des femmes.
Au nom de la tradition, de la religion et de la santé
Pour justifier l’excision, ceux qui la pratique évoquent des raisons hygiéniques (pour assurer la pureté, la virginité et le mariage); religieuses (spécialement chez les musulmans traditionalistes, qui considèrent l’excision comme «le mérite des filles» ou comme «la source de pudeur, d’honneur et d’équilibre psychologique pour la femme”) ; historiques (par respect à la tradition); initiatiques (pour entraîner la fille à son statut de femme)».
La pression sociale joue un rôle très important dans la perpétuation de l’excision et son installation comme norme sociale. En effet, les filles qui refusent de la subir courent le risque d’être reniées par leurs propres familles ou leur ethnie, d’être stigmatisées dans la société ou de ne pas trouver de mari. Et les africains qui pratiquent l’excision en dehors de l’Afrique justifient que l’excision contribue à maintenir l´identité des filles et leur appartenance culturelle.
Les conséquences sur la vie des femmes
L’ablation partielle ou totale du clitoris expose les filles et les jeunes femmes à de graves risques pour leur santé. Les conditions sanitaires précaires dans lesquelles elles sont pratiquées causent des hémorragies, des douleurs intenses non seulement pendant l’opération, mais surtout quand apparaissent les règles chez la femme ou quand elle a les rapports sexuels avec son partenaire. En plus, elle peut souffrir des chéloïdes, des règles douloureuses, de l’incontinence urinaire, des fistules et des complications lors de l’accouchement, qui peuvent être mortelles, sans oublier les traumatismes psychologiques, qui peuvent l’accompagner toute la vie.
Actuellement, il est constaté que, de plus en plus de filles sont excisées par des professionnels de santé dans les milieux médicaux, sous prétexte de réduire les risques sanitaires de l’opération. La médicalisation de l´excision pose un problème éthique. Ce n’est pas puisqu’elle est réalisée par un professionnel de santé ou dans un milieu médical qu’elle cesse d’être une mutilation. Comme l’affirme Henrietta Fore, directrice exécutive de l’UNICEF, «médicaliser cette pratique ne la rend pas sûre, ni morale». Selon l’OMS, en réalité, la médicalisation contribue à accorder à la pratique une certaine légitimité en tant que dispositif de santé. En outre, l’augmentation de la médicalisation des MGF découle d’une croyance erronée selon laquelle les dangers des mutilations sont d’ordre médical, oubliant que leur pratique constitue une violation des droits fondamentaux de la femme.
ratifié des conventions et des déclarations internationales pour la protection de la femme avec des sanctions qui vont de six mois de prison minimum à l’emprisonnement à perpétuité.
Vingt-quatre pays africains ont mis en place des mesures légales contre la pratique des MGF: le Togo (1998), le Bénin (2003), la RCA (2006), le Tchad (2003), le Ghana (2007), l´Afrique du Sud (2000), le Soudan (2009), l´Ouganda (2010) etc. Seuls trois pays où les MGF sont pratiqués n’ont pas encore adopté des lois pour les éradiquer: le Libéria, la Sierra Leone et le Mali. Il est constaté que, dans les pays où existent des lois contre les MGF, l´excision est encore pratiquée ouvertement ou clandestinement, notamment à cause du manque de volonté des Etats à faire respecter la loi.
L’Unicef déclare que les MGF en Afrique ont diminué, surtout en Afrique de l’Est, où le nombre de jeunes filles mutilées de moins de 15 ans est passé de 71% à 8% entre 1995 et 2016. Les chiffres du bureau régional du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale indiquent un changement positif. Au Nigeria, par exemple, 35,8% des femmes entre 45 et 49 ans ont subi l’excision; par contre, seulement 15,3% des filles entre 15 et 19ans l’ont subie. Le Burkina Faso, de son côté, a réussi à réduire de moitié le nombre de femmes excisées.
Bien qu’il y ait une évolution notable dans la lutte contre les MGF, les pays africains doivent encore fournir des efforts. Il est nécessaire que le dispositif légal soit uni à une intense coopération entre tous les acteurs de la société en vue du changement de mentalité et l’accompagnement des femmes et filles qui les ont subies. Claudia Cappa, spécialiste en Statistiques à l’Unicef, déclarait à ce propos: « Interdire les MGF ne signifie pas les éradiquer. Si la loi n’est pas assortie des programmes d’accompagnement visant à changer les mentalités, elle est inefficace».
Le rôle de l’éducation et des médias
En 2012, l’Assemblée Générale des Nations Unies avait institué le 6 février, Journée Mondiale de lutte contre les MGF afin d’intensifier l’action mondiale pour les éliminer. Mais l’application des lois se heurte souvent à la réticence de certaines familles et groupes ethniques, religieux, etc., qui font pression pour maintenir ces pratiques.
L’éducation a un rôle essentiel à jouer dans ce domaine pour que la nouvelle génération d’hommes et de femmes rompe complètement avec ces pratiques traditionnelles, qui constituent une source des souffrances physiques, psychologiques et sociales pour la femme. Aussi, les moyens de communication doivent-ils sensibiliser les populations sur les conséquences des MGF et promouvoir des actions qui visent à accompagner les victimes de cette pratique dangereuse et obsolète. En effet, aucune forme de mutilation sexuelle féminine n’a sa raison d’être. Par conséquent, elle ne doit pas être pratiquée au nom ni de la tradition, ni de la religion, ni de la santé.
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