Par Abbé François LUYEYE LUBOLOKO
Photos: Lwanga Kakule
Le passage de la tradition à la modernité a apporté beaucoup de nouveautés pour l’épanouissement des jeunes africains. Mais, il implique pour eux le grand défi de garder leur propre identité et de faire un sérieux discernement entre les valeurs et les antivaleurs. La famille, la société et l’Eglise ont la responsabilité de les accompagner vers un avenir réussi.
La valeur d’une communauté s’apprécie à la qualité de ses membres. Ceux-ci doivent être solidaires et bien formés pour défendre l’intérêt supérieur de la collectivité. Toutes les sociétés sont organisées pour transmettre à la jeunesse les valeurs essentielles de l’homme idéal. En Afrique, l’initiation des jeunes gens et des jeunes filles constituait un moment clé dans l’éducation de la jeunesse et permettait à la communauté de se doter d’une relève sûre.
Usant des pédagogies appropriées, les maîtres d’initiation apprenaient aux jeunes la sagesse, la solidarité, les bases de la vie communautaire ainsi que les techniques de survie dans une existence toujours menacée par les forces de la mort comme la faim, la maladie, les mauvais esprits et tout ce qui appartient à la négativité. L’apprentissage des vertus dans cette école de vie culminait dans le rite de la mort et de la résurrection. On enterre, dans la mort symbolique, l’homme ancien marqué par l’ignorance, la paresse et la peur. L’initié sort du bosquet initiatique, sevré de l’enfance et guéri par les enseignements et les épreuves pour affronter l’existence. Il est désormais un homme nouveau, prêt à participer efficacement à la défense des valeurs sociétales et à la prospérité de la communauté. A la fin de l’initiation, la joie est immense au village. On accueille des alliés sûrs, qui protégeront le clan et assureront sa pérennité.
Les valeurs traditionnelles en cause
Ce mécanisme bien rodé qui a donné à la société africaine ses grands hommes et ses grandes dames s’est affaibli à l’arrivée de l’école moderne programmée pour la formation des élites citoyennes au service de la société urbaine. Le nouveau processus éducationnel a coupé les jeunes des coutumes et pratiques ancestrales, désormais qualifiées d’arriérées. A la sortie de l’école, les jeunes, devenus étrangers aux repères culturels traditionnels, doivent affronter la télévision aux programmes sans tabou, la musique moderne aux instruments électriques, et surtout le Smartphone, porte largement ouverte à tous les vents qui échappent à la censure parentale. L’existence citadine, tout en offrant des facilités à ceux qui peuvent se les payer, a largement brouillé l’image du type d’homme idéal de la société traditionnelle, a relativisé les valeurs qui soutenaient la solidarité villageoise et qui protégeaient la vie contre les forces de la mort.
Perdus dans cette forêt de données et d’informations, les jeunes ont besoin des repères et des guides.
Le rôle de la famille
La famille reste le berceau de l’apprentissage des valeurs de base de toute vie humaine. C’est elle qui donne à la personne les interfaces de base sur lesquelles se connectent les réseaux extérieurs. C’est l’éducation familiale qui dote l’homme des codes de discernement moral pour toute la vie. Les parents ont, en effet, la lourde responsabilité de veiller à l’éducation de base sans laquelle l’avenir des jeunes est compromis.
Or, sous l’effet de la pensée libérale et du relativisme moral, la famille elle-même a subi des modifications qui compliquent sa mission éducative. Les couples homosexuels et les familles monoparentales ne sont pas des cadres idéaux pour l’épanouissement intégral des jeunes, qui ont besoin d’un équilibre sentimental et psychologique. Pour les parents chrétiens, l’éducation des enfants est une exigence de la foi. Ils sont appelés à faire découvrir à leurs enfants l’amour par le témoignage de leur vie et de leur pratique chrétienne.
Le rôle de la société
Les familles ne peuvent pas assurer seules la charge éducative de la jeunesse. Elles ont besoin d’un cadre social garanti par l’autorité publique. Malheureusement, dans beaucoup de pays africains, les gouvernants n’accordent pas assez d’intérêt au domaine éducatif. Le gros des dépenses des Etats vont vers la sécurité, le fonctionnement des gouvernements pléthoriques et des institutions budgétivores alors que les infrastructures éducatives sont minables et les enseignants, mal payés. On n’organise pas grand-chose pour l’encadrement de la jeunesse. On est toujours prêt à instrumentaliser les jeunes et à les manipuler pour des intérêts partisans. Dans beaucoup de villes africaines des terrains, jadis réservés aux activités des jeunes, sont vendus et dédiés à d’autres fins. Par ailleurs, les débits de boissons se multiplient; la bière coule à flot et elle est servie sans tenir compte de la limitation d’âge. La musique à tue-tête et les danses impudiques couronnent le tout. Entretemps, la dislocation des familles et la crise socioéconomique ont jeté dans la rue de nombreux enfants dont l’avenir est à jamais hypothéqué.
Deux jeunes marchent dans la rue à Kinshasa, en RD Congo
Le rôle de l’Eglise
Outre les parents et les gouvernants, il y a les Eglises et les diverses associations d’encadrement des jeunes, les médias et les leaders d’opinions et tous ceux qui influencent la vie sociale. L’idéal est que toutes les instances véhiculent les mêmes valeurs pour faire émerger le type d’homme idéal de la société et puissent permettre aux jeunes d’y aspirer de toutes leurs forces. Mais hélas! La société moderne, dominée par le consumérisme et le relativisme moral, est devenu le théâtre d’un monde éclaté qui ne peut tolérer l’idée même de modèle, chacun étant libre d’en inventer pour lui-même. C’est au milieu de ce monde que nous devons présenter l’Evangile aux jeunes comme source de vie et témoigner de cette vie dans tous les milieux. Les premiers agents de cette évangélisation doivent être les jeunes chrétiens qui, pour avoir rencontré le Christ Vie, Voie et Vérité, deviennent des apôtres. Sans chercher à imposer leur modèle qu’est le Christ, ils ont pour mission d’assurer le rayonnement de sa lumière et la joie de l’Evangile qui rajeunit les cœurs et les esprits. La communauté chrétienne toute entière devra être porteuse de cette joie et de cette espérance.
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