Par Sr. Betty Côrte Imperial
La violence contre la femme n'est pas récente. Elle est exercée sous la forme d'agressions verbales, physiques ou morales qui, parfois, entraînent la mort de la femme. La plupart des féminicides se produisent dans l'environnement familial.
Venez, je l'ai tuée». En plein confinement en Italie, un homme étrangle sa compagne et appelle la police. La victime s’appelle Lorena Quaranta, de 27 ans, italienne. Ce meurtre n’est pas un cas isolé. Il rejoint la longue liste des femmes tuées chaque année par leur conjoint, mari, compagnon ou ex, comme Laetitia en France, Heloisa au Brésil, Yoba Baldé au Sénégal, Uyinene Mrwetyana en Afrique du sud. Toutes sont des vies brutalement brisées, arrachées à la fleur de l’âge.
Féminicide: de quoi s´agit-il?
Le féminicide est un mot émergent importé de l'anglais "femicide" et popularisé dans le contexte de la lutte féministe contre la violence subie par les femmes, en particulier la violence domestique. Un nouveau mot pour une pratique très ancienne, car les femmes meurent chaque jour de façon tragique dans le monde. Elles sont brutalement battues ou étranglées jusqu'à ce qu'elles perdent le souffle.
L’Organisation Mondiale de la Santé distingue 4 types de féminicides: féminicide intime, crime commis au nom de l’honneur, crime lié à la dot et féminicide non intime. C’est en Amérique latine que le concept s’est développé dans les années 90, suite aux disparitions de centaines de femmes dans la ville mexicaine de Ciudad Juarez. Pour dénoncer ces féminicides, des centaines de chaussures rouges avaient été disposées dans des lieux publics.
Le féminicide est un phénomène mondial, qui se présente avec peu de variations dans les différentes sociétés et cultures. C'est un crime du genre ayant comme traits la haine, qui nécessite la destruction de la victime. Il peut également être combiné avec des pratiques de violence sexuelle, torture, mutilation de la victime avant ou après le meurtre.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la maison est loin d'être le lieu le plus sûr pour la femme, car la grande partie des violences a lieu au sein de la famille. Dans plusieurs cultures, beaucoup considèrent les violences conjugales comme une banalité relevant de la sphère privée.
L'Asie, continent le plus touché
Selon des chiffres de l'ONU, dans le monde, au moins 87.000 femmes ont été tuées de manière intentionnelle, en 2017. Parmi ces victimes, 57% l'ont été par leurs conjoints, ex-conjoints ou par des membres de leurs familles.
L'Asie détient le triste record du plus grand nombre de femmes tuées -20.000-. Elle est suivie de près par l´Afrique 19.000-, puis l´Amérique -8.000- l'Europe -3.000- et l'Océanie -300-, selon l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime. En Afrique, les femmes sont plus exposées à la violence en Afrique du Sud, Sénégal, RDCongo, etc., selon l'ONU.
Un groupe de jeunes filles se manifestent contre le féminicide en Afrique du Sud
Quelle reconnaissance juridique?
Plusieurs pays ont adopté des lois pour pénaliser le féminicide. La première reconnaissance juridique s’est faite en Amérique Latine, en juin 1994. Il s’agit de la Convention Interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme, ou Convention de Belém do Para.
Le Mexique est le premier pays du monde à intégrer dans son Code Pénal une législation sur le féminicide -2007-. D´autres pays de l'Amérique Latine lui ont emboîté le pas: le Costa Rica, le Guatemala, le Chili, le Salvador, le Pérou, l'Argentine, le Nicaragua, le Honduras et le Brésil.
En Europe, l'Espagne avait adopté une loi pionnière en 2004, des tribunaux spécialisés pour traiter les cas de féminicides. L'Italie, pour sa part, en 2013 avait intégré la notion de "violence de genre" dans sa législation. En France il n’y a pas encore de reconnaissance du meurtre sexiste. En l’état actuel du droit belge et du droit français, tuer une femme en raison de son sexe est une circonstance aggravante dans le cadre d’infractions spécifiquement identifiées par le Code Pénal. Dans la Convention d’Istanbul, le Conseil de l’Europe définit et pénalise les diverses formes de violence à l’égard des femmes ainsi que la violence domestique. Pour que ce texte soit efficace, les Etats signataires doivent éventuellement introduire de nouvelles infractions.
Ces quinze dernières années, les pays africains se sont dotés de cadres et outils pour lutter contre les violences sexuelles et les violences faites aux femmes. Le Cap Vert a adopté en 2011 une loi contre la violence basée sur le genre, l’Afrique du Sud aussi s´est doté des lois progressistes contre la violence domestique. Le Sénégal a voté, le 30 décembre 2019 le projet de loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie. En décembre 2015, l’Algérie est devenue le deuxième pays du Maghreb à criminaliser les violences faites aux femmes, qui punit la violence conjugale, le harcèlement dans la rue, le vol entre époux et la dépossession des biens de la femme par l’époux. En février 2018, une loi criminalisant les violences sexuelles est entrée en vigueur au Maroc.
Le système judiciaire Congolais applique le code pénal et la loi 06/018 relative à la violence sexuelle. Cette loi proscrit le viol en RDC et stipule les peines, mais elle ne condamne pas explicitement le viol conjugal. Le code pénal ne criminalise pas la violence domestique. Le Togo a adopté un nouveau Code Pénal (2015) qui criminalise et punit les violences basées sur le genre, y compris les violences domestiques et le viol conjugal (articles 212 et 232).
Prévenir le féminicide
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour prévenir le féminicide, il est important d'atténuer les risques liés à la dissolution des relations entre les conjoints, durcir les lois sur les armes à feu et sensibiliser le grand public à la violence faite aux femmes..
En plus de renforcer les lois et les dispositifs de sécurité, il faut repenser l'éducation et déconstruire les stéréotypes qui intègrent souvent le sexisme dès le plus jeune âge et peuvent être intériorisés autant par les hommes que par les femmes.
Pour prévenir le féminicide, il faut surtout s’attaquer aux causes profondes, et non pas à leurs symptômes. Plusieurs facteurs économiques, culturels, politiques, sociaux, etc., sont à l’origine de la violence intrafamiliale qui conduit aux féminicides. Les Etats devraient s'attaquer à réduire ces facteurs de risques, rechercher des solutions efficaces contre le féminicide, dont l’augmentation devient source d’inquiétudes, de craintes et de peurs collectives.
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