Texte et Photos : Lwanga Kakule
Il avait 81 ans. Avant sa retraite en 2018, le cardinal Laurent Monsengwo était l'un des neuf cardinaux choisis par le pape François pour aider dans le gouvernement de l'Église et pour la réforme de la Curie Romaine. Son engagement pour la justice et la paix fait de lui l'une des figures les plus marquantes de l'Église et de la société congolaise et africaine.
«Aujourd'hui, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a quitté notre terre. J'ai perdu un ami fidèle, bon et généreux… Ma peine est grande. Il manquera à l'Afrique », a écrit le cardinal Sarah sur son compte Facebook le dimanche 11 juillet, jour du décès, en France, de l'archevêque émérite de Kinshasa en République démocratique du Congo. De nombreux autres messages d'affection et de tristesse, tant du pays que de l'étranger, ont été entendus cette semaine, notamment le mardi 20 juillet, jour des obsèques de cette grande figure ecclésiastique.
La célébration eucharistique a eu lieu sur l’esplanade du Palais du Peuple. Des milliers de personnes y ont assisté, dont une trentaine d'évêques de la RD Congo et d'autres pays africains, des centaines de prêtres et diverses autorités politiques de la RD Congo et de la République du Congo. Etaient également présents Félix Tshisekedi, président de la RD Congo et son homologue, Denis Sassou-Ngweso, de la République du Congo. La célébration a été présidée par son successeur, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque métropolitain de Kinshasa. Dans son homélie, il a souligné le bon témoignage et l'héritage du Cardinal Monsengwo, qui a joué un rôle très important dans la vie de l'Église et de la société congolaise.
Héros national
Pour rendre hommage au défunt, le président Félix Tshisekedi et son homologue Denis Sassou-Nguesso ont déposé les gerbes de fleurs devant la dépouille mortelle. Plus tard, Monsengwo a été décoré par Tshisekedi, à titre posthume, dans l'Ordre national des Héros Nationaux Kabila-Lumumba «pour les éminents mérites et services rendus à la nation congolaise».
Des milliers de personnes participent à la célébration eucharistique à l’esplanade du Palai du Peuple, à Kinshasa le 20 juillet 2021, jour des funérailles du Cardinal Monsengwo.
Pour avoir exercé des rôles éminemment politiques et sociaux plus que ses prédécesseurs, les cardinaux Joseph-Albert Malula et Frédéric Etsou, l'opinion publique a été, maintes fois, tentée d'oublier que Laurent Monsengwo était un évêque de l'Église catholique et non un homme politique. En effet, en dehors de ses homélies qui ont toujours éveillé la conscience citoyenne, le cardinal est devenu très influent dans la politique congolaise dès les années 1990. En 1991, il fut élu président de la Conférence Nationale Souveraine, dont l’objectif était de conduire le pays à un état de droit et la cohésion sociale. A la fin de celle-ci, il dirigea le parlement de transition jusque peu avant la chute de l’ancien dictateur Mobutu et le début du règne de l'ancien président Laurent Désiré Kabila, il a également dirigé le parlement congolais. Durant les dix-huit ans de pouvoir de l'ancien président Joseph Kabila, au nom de la mission prophétique de l'Église, Monsengwo a régulièrement interpellé le pouvoir en place sur la nécessité d'améliorer la situation sociale de la population. Il a incarné la mission prophétique de l'Église, dans laquelle il s'est engagé pour la défense de la justice, de la vérité, de la démocratie et de l'État de droit. Cela a fait de lui un phare pour l'Église au Congo et à travers le continent.
Comme les rumeurs sur sa candidature à l'élection présidentielle de 2006 croissaient, il avait assuré la population, un peu avant les élections, qu'il ne serait pas candidat à ce poste. Il avait expliqué que, pour lui, le pouvoir ecclésiastique est beaucoup plus important que le pouvoir politique. Avant les élections présidentielles de 2018, il avait qualifié la classe politique congolaise de médiocre et l'avait exhortée à quitter le pouvoir, car, selon lui, «elle vit dans l'opulence, laissant la majorité de la population dans la pauvreté»; en plus, «elle ne veut pas quitter le pouvoir, aggravant la situation du peuple». La même année, Monsengwo démissionna de son poste d'archevêque de Kinshasa, le laissant à Mgr Fridolin Ambongo.
Il a été ordonné prêtre en 1963 et, en 1970, il fut le premier Africain à obtenir un doctorat en Écriture Sainte. Évêque Auxiliaire d'Inongo en 1980, puis transféré à Kisangani comme évêque auxiliaire en … il a été nommé archevêque de Kisangani en 1988 et, en 2007, il a été nommé archevêque de Kinshasa. A deux reprises, il présidé la Conférence Episcopale Nationale de la RD Congo; il a également été président du Symposium des Conférences Episcopales d'Afrique et de Madagascar. En 2010, il a été créé cardinal par le pape Benoît XVI et, en 2013, il a été choisi comme membre du Conseil des cardinaux, qui collaborent avec le pape François la réforme de la Curie Romaine. Il a été professeur de théologie dans divers séminaires et universités du pays et de l'étranger. Des étapes où il a brillé par son engagement pastoral et social, laissant des traces dans l'Église du Congo et dans la société congolaise et africaine.
Le Cardinal Monsengwo durant une célébration eucharistique à Kinshasa le 10 octobre 2020.
Pendant la messe des funérailles, le cardinal Fridolin Ambongo, remerciant les gestes d’affection et d’amour à l’égard du cardinal Monsengwo, a rappelé que la chose la plus importante est de pérenniser ses œuvres et de s'engager, comme lui, pour un meilleur Congo et une meilleure Afrique: «Le meilleur hommage que nous pouvons faire pour le Cardinal Laurent Monsengwo c'est de continuer son combat pour une Afrique et un Congo prospères et unis…que nos dirigeants, qui se considèrent propriétaires de notre pays, se mettent au service de la population. C'est nous engager pour que l'immense richesse de notre pays serve à améliorer la situation de l'ensemble de la population et non d'un petit groupe de privilégiés, qui vivent dans l'opulence et l'impunité », a-t-il déclaré. L'inhumation de l'archevêque émérite a eu lieu à Kinshasa dans la matinée du mercredi 21 juillet 2021 en la cathédrale Notre Dame du Congo, où déjà gisent ses prédécesseurs, les Cardinaux Joseph Malula y Frédéric Etsou.
Partagez cet article