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Le charbon de bois, un danger pour la survie des forêts

  • 16 février 2021
Texte et photos : Lwanga KAKULE
 
Quatre sur cinq africains utilisent le bois de chauffage ou le charbon de bois pour la cuisine. Le manque d’électricité n‘offre à la population aucune autre source d’énergie alternative. Mais, l’utilisation de plus en plus croissante du bois et de son charbon suscite beaucoup d’inquiétudes parmi les écologistes, qui plaident pour la préservation des forêts.
 
Le bois et son charbon sont la principale source d’énergie en Afrique. 83% de la population en Afrique Subsaharienne, l’utilisent pour la cuisine, les travaux ménagers, le chauffage, etc. Les zones rurales africaines qui sont, en général, privées d’électricité, utilisent le bois de chauffage. Les centres urbains, quand eux, emploient les charbons de bois et, à une certaine mesure, l’électricité, le gaz, etc. La demande de charbon de bois s’accroît, spécialement, dans les pays du bassin du Congo (Cameroun, République Centrafricaine, RD Congo, Congo-Brazza, Guinée Equatoriale, Gabon) et au-delà. Près de 75% de la population de cette zone dépendent du bois comme source principale d’énergie, selon la BBC. Une étude sur la dynamique de déforestation dans le bassin du Congo, réalisée en 2007, par Hannah Behrendt, Carole Megevand et Klas Sander estimait que la production totale de bois dédié à l’énergie a dépassé 100 millions de mètres cubes et 2 440 milles tones de charbon.
 
La demande croissante
La production et la vente du  charbon de bois est, pour beaucoup de familles, un moyen pour gagner de l’argent et pour subvenir à certains besoins: scolariser les enfants, payer les soins médicaux, etc.
Selon l’Agence Internationale de l’Energie -AIE-, l’utilisation du charbon en Afrique, loin de diminuer, croîtra au cours de deux prochaines décennies à cause de l’urbanisation rapide et l’exode rural.Il gagne de plus en plus de terrain dans les foyers africains à cause des exigences de la vie urbaine (les maisons plus modernes, le manque de temps pour préparer, etc.).
A Kinshasa, capitale du deuxième poumon vert au monde, la majorité des foyers utilisent le charbon de bois en provenance du Plateau de Batéké et du Kongo Central. Le Centre de Coopération Internationale en Recherches Agronomiques pour le Développement (CIRAD), cité par le magazine Jeune Afrique, le 18 août 2020, a déclaré que cette ville d’entre 12 et 14 millions d’habitants consomme cinq millions de tonnes de bois par an, qui proviendraient de l’exploitation d’environ 60 000 hectares de forêts naturelles périurbaines. Selon Carole Megevand, responsable mondiale des forêts pour le compte de la Banque Mondiale, environ 75% de charbon de bois sont produits en RD Congo et au Cameroun.
La majorité des femmes interrogées par Afriquespoir au marché Zigida, à Kinshasa, disent qu’elles préfèrent utiliser le charbon au bois de chauffage, car, disent- elles, il est moins cher, et plus facile de transporter et de stocker. Il ne produit pas de fumée, n’affecte pas le goût des aliments, garde les marmites propres, etc. D’autres l’apprécient pour sa rapidité pour la cuisson: « Je sors du marché la nuit. Comme j’arrive à la maison tard, le bois de chauffage est incommode et lent pour la cuisson. Avec la braise, au contraire, quelques minutes suffisent, et le repas est prêt.», raconte madame Christine Nzembo, vendeuse de l’huile de palme. La majorité de ces femmes disent qu’elles sont conscientes que l’utilisation du charbon de bois suppose la déforestation, mais acceptent la situation, faute d’alternative.
 
La déforestation
Quatre des dix pays au monde où la forêt a le plus perdu en superficie ces quinze dernières années sont africains. Les activistes de lutte contre le changement climatique, les organisations internationales et les gouvernements sont confrontés à un grand dilemme, étant donné que la majorité de la population n’a pas d’autre alternative que l’utilisation de ce moyen à disposition.
Dans le passé, les problèmes liés à la destruction de la forêt africaine étaient surtout préoccupants pour les pays du Sahel, où la croissance de la population, la collecte de bois et les feux de brousse exerçaient une forte pression sur les forêts et occasionnaient la désertification. Actuellement, ces problèmes se font sentir aussi dans les régions humides, comme le Bassin du Congo, spécialement aux alentours des zones urbaines à cause de la demande croissante du bois.
En effet, la forêt tropicale humide du bassin du Congo est la deuxième plus étendue au monde, après l’Amazonie, au Brésil. Sa déforestation a donc un impact global très important. En tant que réserve de carbone, d’une part, elle contribue à la conservation de la biodiversité. D’autre part, elle fournit des moyens de subsistance à des millions de personnes, spécialement les peuples autochtones.
Selon les statistiques du Programme forêt/Environnement, en 2015, au Cameroun par exemple, l’utilisation du charbon de bois a emporté 18.500 hectares de forêts. La surexploitation du bois dans ce pays a causé un élargissement du cercle de déforestation autour des villes comme Maroua et Garoua, Douala et Yaoundé. Cette situation s’observe aussi au Nigeria, au Togo, en Ouganda, au Mali et au Tchad avec des conséquences néfastes sur l’élevage, l’agriculture, l’accès à l’eau, provoquant la famine et l’avancée du désert.
 
La reforestation et les énergies alternatives
L’inquiétude des écologistes est justifiée, car, comme déclare le Pape  François dans son Encyclique Laudato Si’, « la disparition des forêts et d’autres végétations implique en même temps la disparition d’espèces qui pourraient être à l’avenir des ressources extrêmement importantes, non seulement pour l’alimentation, mais aussi pour la guérison de maladies et pour de multiples services». Mais, deux besoins fondamentaux cohabitent. Il y a d’un côté, -l’urgence et l’impérieux devoir de protéger l’environnement afin d’assurer la continuité de la vie pour les générations futures. De l’autre côté, le besoin en énergie dans beaucoup de pays africains ne peut être comblé que par l’usage du bois ou de son charbon, à l’absence criante des énergies alternatives.

 

Un cuisinier prépare du poulet sur un brasero à Kinshasa (RD Congo)
 

Faute de mieux, les initiatives écologiques actuelles tendent temporairement à résoudre ce problème par la substitution d’autres arbres quand on en coupe et le reboisement des espaces déboisés. Certaines expériences font déjà école dans certains pays africains comme le Kenya.
Mais, au vu des conséquences de la déforestation à court et à long terme, les gouvernements et les organisations internationales ont une grande responsabilité dans la production et la promotion des énergies alternatives comme les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique) et le gaz. Sans leur appui, il est très difficile de protéger les forêts.
 

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