C’est absolument étrange et étonnant, à y réfléchir, la situation historique que nous vivons, depuis six décennies, entre les deux rives du Grand Fleuve CONGO. Le Pool MALEBO, son étroit et puissant amont à MALUKU ainsi que les vastes et bruiteuses Rapides de KINSUKA, jadis, en des temps immémoriaux, ne constituaient pas une «frontière» pour nos ancêtres. Mais, ils étaient des voies de communication naturelles de toutes ces communautés BANTU éparses sur les deux rives, ces doigts d’une gigantesque main. Il y avait moult familles dont les nombreuses branches s’étendaient de part et d’autre du Fleuve majestueux et poissonneux. Nul ne disait sien ce qui appartenait à tous; même le chapelet des Îles MBAMU servait de «nganda» (villages saisonniers fluviaux) aux pêcheurs venant de tous bords…
Puis, un jour et des décennies plus tard, toute cette harmonie idyllique a été brisée : Le monde des riverains bascula et se brisa en deux faces disharmonieuses. La «politique importée» est passée par là, et la facture a été très lourde. Alors issus de la volonté extérieure, se créèrent deux Etats, l’un d’obédience «socialiste» et l’autre soi-disant «démocratique». Oublieux de leur glorieux passé commun, les deux frères, séparés par la zizanie étrangère, se sont mis à se chamailler dans le vide et à expulser de part et d’autre leurs propres frères et sœurs, comme dans les familles dont les membres sont en froid pour de bêtes raisons, jusqu’à s’entretuer même, pour des intérêts qui n’étaient pas les leurs propres. Étrange! Très étrange! Mais ils sont devenus aveugles, ils ne pouvaient plus se voir.
Ainsi ont agi ces deux «républiques caféières» qui se vantent du même fondement « res publica » (« la chose publique »), tandis que leur peuple respectif, tenu dans l’ignorance la plus abjecte, ignore fondamentalement la signification de ces termes. Depuis six décennies, leurs dirigeants vendus et achetés se plaisent à entretenir l’obscurantisme. Et les deux capitales-sœurs les plus rapprochées du monde en sont comme paralysées, tétanisées et incapables de faire surgir des projets communs pour le bien de leurs populations: Des oukases édictées d’ailleurs les ont désorientées et les ont fait tourner mentalement «dos à dos» pour les embrigader dans des organisations régionales dont leurs chefs ne maîtrisent pas la gestion manipulée ailleurs.
Fort heureusement, la voix du sang a parlé. Les cœurs ont crié et leurs cris ont reconstruit les divers ponts que, depuis six décennies, les politiciens ont inconsidérément détruits: les peuples frères se sont retrouvés parce que «Ebale ya CONGO ezali lopango te, ezali nde nzela», comme a admirablement chanté le regretté Grand Kallé, Joseph Kabasele. Oui! Reconstruisons nos liens et solidifions-les: « Le Fleuve CONGO n’est pas une muraille, mais un chemin pour amour, rencontres et échanges!» Et les Deux Frères Aveugles y ont tout à gagner à «se regarder face à face»....
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